La Chine est prise
aujourd’hui dans un tourbillon de changements qui n’épargne aucun
domaine. Le cinéma, témoin privilégié depuis toujours des
bouleversements au sein de la société chinoise, n’échappe évidemment pas
à ce phénomène. En effet, il a commencé par servir la cause du
Parti Communiste en épousant dans les années 50 les canons du réalisme
socialiste, puis il fut capable de renaître de ses cendres après la
désastreuse période de la Révolution Culturelle (1966-1976).
Aujourd’hui, désormais contraint
par
les exigences du marché et les règles imposées par la globalisation,
le cinéma chinois se met au goût du jour. Et puisque globalisation, en
Chine encore plus qu’ailleurs, rime avec américanisation, voilà que la
Chine rivalise depuis quelques temps déjà avec Hollywood dans la
production de blockbusters à succès. En effet, en 2008, les films
chinois ont réalisé plus de 4 milliards de yuans de bénéfices au box
office, une belle progression depuis 2004, première année où les films
made in China ont devancé les films hollywoodiens au box-office.
Le public réserva à l’époque un accueil enthousiaste à Le secret des
poignards volants, du réalisateur Zhang Yimou, un « copié-collé » de
son précédent Héro, film épique qui a remporté le record des
entrées en 2001, avec encore plus d’images époustouflantes. La comédie
A world without thieves de Feng Xiaogang, le roi du genre, et
l’irrésistible Kung Fu Hustle (distribué en France sous le
nom de Crazy Kung fu) de Stephen Chow, complète le trio de films
qui réalisa à lui tout seul 25% du montant total des recettes de l’année
(1.57 miliards de yuan, c’est à dire un peu moins de 200 millions de $).
2008 ne se confirme
pas seulement comme la sixième année consécutive durant laquelle les
productions nationales ont rapporté davantage que les films étrangers,
elle a également vu un autre record : celui du
nombre de films chinois ayant dépassé les 100 millions de yuans de
recettes: huit au total. Parmi eux, la dernière création de Chen Kaige,
Mei Lanfang, basée sur la vie du célèbre acteur de l'opéra
de Pékin, et surtout Red Cliff 1, de John Woo, qui a battu le
record des recettes avec plus de 300 millions de yuans (32 millions
d'euros) d'entrées en 2008 !!
Au vu de ces
chiffres, on dirait presque que ce soit grâce à l’esprit hollywoodien
que le public chinois ait repris à aller au cinéma ! Il faut dire que
les chiffres de fréquentation des salles de cinéma ces dernières années
étaient accablants : au début des années 1980, chaque chinois allait 29
fois par an au cinéma, ce chiffre est tombé à 13 dans les années 1990 et
à 0,5 ces dernières années ! Face à un cinéma appauvri
en idées comme en
moyens, le public avait en effet préféré se tourner vers d’autres formes
de divertissements, apparues dès le début des années 1990 et devenues de
plus en plus populaires, comme les bars-karaokés, mais surtout les DVD
pirates. Sans rentrer dans le débat économique ou même moral que ce
phénomène soulève, il faut savoir que ces DVD ont
mis à
la portée du public chinois les films du monde entier, alors que dans
les salles il y avait uniquement des films très officiels. Ils
ont su redonner aux Chinois le goût du vrai cinéma, et, qui plus est,
à des prix
défiant toute concurrence : 7-8 yuans contre 50 yuans au moins pour
l’achat d’un ticket de cinéma ! Aujourd’hui, alors qu’il
existe encore peu de salles de cinéma en Chine, le nombre de lecteurs
est, lui, en constante augmentation.
Les
vendeurs à la sauvette et autres pseudo-vidéoclubs n'ont donc aucun mal
à écouler les DVD pirates des derniers blockbusters américains ou pas,
vendus avant même leur sortie dans les salles ! L'administration
américaine fait pourtant pression, à intervalles réguliers, sur les
autorités locales accusées de laxisme. Aussi, soucieuse de donner des
gages de bonne volonté, la justice chinoise est arrivée à condamner
quelques gangs de pirates jusqu’à vingts ans de prison pour trafic de
DVD!
Mais dans la Chine
d’aujourd’hui tout compromis est possible, même les négociations avec
les producteurs de DVD pirates afin de les transformer en associés dans
la lutte contre la contrefaçon…En attendant, les colosses de l’industrie
cinématographique américaine ont bien remarqué que, malgré la
concurrence rude des DVD, les salles recommencent à se remplir. Avec de
telles recettes, le cinéma représente un grand marché potentiel, au
point que ces mêmes colosses rivalisent entre eux pour doter le
territoire chinois de salles de cinéma nouvelles et sophistiquées,
prêtes à accueillir un public qui augmente de plus en plus. L’IMAX Corp.,
par exemple, espère avoir au total 39 salles en Chine d’ici la fin 2010,
toutes
aménagées soit avec le système d'écran MPX d'Imax, soit avec la
nouvelle technologie de projection digitale de la compagnie, qui
est
actuellement à un stade avancé de son développement.
De quoi pouvoir satisfaire
le
box-office chinois qui a enregistré en 2008 des recettes de 4,2
milliards de yuans, dont 61% pour les films chinois, soit un bond de 27%
par rapport à 2007.
Mais
toutes ces données, certes impressionantes, donnent-elles une réelle
indication de la reprise du Septième Art en Chine ? La situation n’est
pas aussi simple car, malgré l’ouverture économique, le gouvernement
chinois n’a pas tout à fait renoncé au contrôle de l’activité
cinématographique. Une partie des revenus récupérés sur le box-office de
ces superproductions permet aux autorités de financer surtout des films
très officiels. Pour les autres cinéastes, ceux qui ne peuvent pas se
permettre les mêmes budgets que Zhang Yimou ou Feng Xiaogang, le
parcours reste semé d’embûches ; d’autant plus que les co-productions,
malgré le soutien du gouvernement et des majors américains, sont souvent
le résultat d’un compromis difficile entre la censure d’une part, et la
stricte politique commerciale américaine de l’autre. Résultat : mis à
part quelques rares blockbusters, la plupart de ces co-productions ne
seront vues ni en Chine ni à l’étranger. C’est un nouveau défi, un de
plus, pour les cinéastes chinois. Ils n’ont pas eu le temps de se
réjouir de l’assouplissement des règles de la censure qu’une autre forme
censoriale, plus pernicieuse encore, les guette déjà, d’autant plus
qu’il est difficile aujourd’hui de faire un cinéma capable résister au
chant des sirènes hollywoodiennes… Jia Zhangke l’a appris à ses dépens.
Chef de file du cinéma indépendant qui s’est créé après la repression de
Tiananmen
en
marge de la production officielle, Jia Zhangke a participé le 13
novembre 2003 à une rencontre historique entre les dirigéants du Bureau
du cinéma et le gratin du cinéma chinois indépendant. Au cours de cette
rencontre, les autorités ont tendu la main à ces cinéastes en annonçant
une simplification des règles de la censure qui leur permettra
d’obtenir l’autorisation de tourner des films en toute légalité. Mais
surtout, tourner légalement pour un cinéaste indépendant, signifie
pouvoir enfin distribuer son propre film dans les cinémas de tout le
pays. Un énorme pas en avant. Car il faut savoir qu’en Chine, sans
autorisation préalable, un film n’a aucune existence légale. Les
cinéastes ont beau pouvoir tourner où et quand ils veulent, choisir le
lieu et les conditions du tournage, trouver les financements : si le
scénario n’est pas passé préalablement par le bureau de la censure, le
film n’aura pas de distribution officielle. Un point, c’est tout. Pour
son film
The
world
(qui a connu un grand succès en France en 2005), Jia Zhangke a donc
voulu jouer la carte de la légalité afin de mettre fin à cet absurde
paradoxe qui dure depuis les années 90 et qui fait que les films des
cinéastes indépendants sont très connus à l’étranger mais méconnus du
public chinois à qui néanmoins ils sont destinés.
Et
pourtant le thème n’est pas des plus captivants : dans
un parc à thème où trônent les plus beaux sites touristiques de la
planète à échelle réduite, les animateurs qui y travaillent mènent leur
vie entre petits espoirs et grosses déceptions, entre l’envie d’aller
voir « ailleurs » et le besoin de retrouver leurs propres repères dans
un pays où tout se transforme à une vitesse incroyable. Le décor n’est
pas la Chine impériale et majestueuse des films de Zhang Yimou mais une
Chine plutôt glauque où les laissés pour compte du miracle économique
ont du mal à survivre. Au moment de la sortie du film en Chine, pour
Jia
Zhangke ainsi que pour tous les cinéastes indépendants qui l’ont suivi
dans cette démarche, le moment de la vérité était venu : comment aller
réagir le public face à un film qui ne ressemble ni à une fresque
historique, ni à une comédie légère au
happy
end
attendu ? Visiblement le test a échoué :The
world
n’a
même pas fait 100.000 euros de recettes et a disparu assez vite de
l’affiche. Un vrai flop. Quelques mois après, le film
Shanghai dreams
de
Wang Xiaoshuai, revivait le même échec, tout en faisant néanmoins plus
de recettes grâce à l’effet du Grand Prix du Jury remporté au Festival
de Cannes sur le public. La déception est palpable chez ces cinéastes
qui toutefois ne sont pas dupes : ils savent qu’aujourd’hui ils
essuient les platres d’une situation paradoxale qui a duré trop
longtemps.
Privé
d’un vrai cinéma d’auteur, le public s’est tout simplement tourné vers
les superproductions hollywwodiennes, nationales et étrangères, qui
monopolisent le marché. Autrement dit, le public chinois n’a aujourd’hui
ni l’habitude ni l’envie de voir sur l’écran ce qu’il côtoie dans la vie
de tous les jours. Il préfère rêver avec
Stars
war
ou
renouer avec les sentiments de fierté nationale dont sont porteurs
Hero
ou
encore, tout récemment, le déjà cité
Red
Cliff 1,
qui
retrace des événements historiques de la période des "Trois Royaumes",
au IIIe siècle en Chine.
Un vrai casse-tête pour ces cinéastes qui ont pourtant su courageusement
« faire la paix » avec les autorités dans l’espoir de redéployer une
cinématographie nationale morcelée et à plusieurs vitesses.
Comment s’en sortir
alors entre la censure (qui est loin d’avoir complètement disparue), un
public récalcitrant et les contraintes du marché ? Le débat est ouvert
aujourd’hui chez les cinéastes qui se battent pour concilier qualité et
rentabilité. Jia Zhangke ne veut surtout pas accuser le public qui,
d’après lui, est simplement victime d’une situation où les règles
implacables du marché viennent chambouler le monde des images.
«L’essentiel, c’est que le public puisse voir toute sorte de films. Ce
n’est que comme ça qu’il nous fera confiance par la suite. Il y a
désormais environ 200 films de produits chaque année, alors ce ne sont
pas les cinéastes qui manquent mais des structures capables de montrer
leurs films. Sur ces 200 films, peut-être une vingtaine seulement
arrivera à circuler dans les salles, c’est absurde ! Si auparavant le
public ne voyait pas les films à cause de la censure, aujourd’hui il
risque de ne pas les voir à cause des propriétaires des salles qui
choisissent de miser sur les grosses productions à succès plutôt que sur
le cinéma d’auteur… ».
Le problème soulevé
par Jia Zhangke est réel car, le marché faisant la loi, le cinéma
d’auteur ou, tout simplement, le cinéma autre que Hollywood et ses
compères, risque de succomber avant même de se faire connaître ! Pour
permettre au cinéma d’effectuer le…grand bond en avant souhaité aussi
bien par les autorités que par les cinéastes (pour des raisons pas
toujours identiques), on ne peut se contenter uniquement de doter le
pays d’une multitude de salles digitales ultra-modernes. Il faut aussi
penser à une différenciation des circuits de diffusion, par exemple à la
création de cinémas d’art et d’essai où le public peut voir autre chose
que la production commerciale qui déferle sous l’œil protecteur de Notre
Dame d’Hollywood... En effet, entre la production et la diffusion dans
les salles, il manque encore un maillon fondamental de la chaîne : la
distribution. « En Europe, ou encore au Japon ou au Canada, il y a
des sociétés qui s’occupent de la distribution de mes films ; en Chine
je dois m’en occuper moi-même ! J’ai alors fini par créer une société
qui ne va faire que ça, la distribution est fondamental pour un film,
un cinéaste ne peut pas tout faire ! » se plaint Jia Zhangke.
C’est vrai que depuis que China Film, auparavant la seule société
attitrée pour la diffusion des films chinois sur le territoire national
et étranger, a perdu le monopôle dans ce domaine, (ce qui n’est
certainement pas une mauvaise chose en soi), les films chinois n’ont
plus aucune certitude d’être diffusés. Des sociétés privées de
remplacement voient le jour mais leur nombre est encore insuffisant pour
satisfaire une industrie en pleine expansion. Le démantèlement d’un
système monolithique où l’état a exercé pendant longtemps le monopole
aussi bien dans la création que dans la diffusion des images, ne peut
pas se faire du jour au lendemain. Les cinéastes en sont conscients.
« C’est comme si on nous demandait de collaborer à la construction d’un
énorme bâtiment et de s’occuper en même temps de la déco de
l’appartement que chacun y a choisi… ». Li Shaohong, femme-cinéaste
très connue en Chine (La vie arrachée, 2005, premier prix au
Festival Tribeca) recourt à cette métaphore efficace pour décrire les
difficultés des cinéastes à se situer face à la transformation du cinéma
en outil industriel et par conséquent, face aux nouveaux impératifs
commerciaux. « Il faut que les cinéastes arrivent à créer un marché
jour après jour, film après film… Nous n’avons jamais connu une
situation pareille auparavant mais ça nous oblige à continuer à faire
des films et à trouver notre place».
Trouver sa place…Pas
simple pour ces cinéastes obligés de trouver, si elle existe, la formule
qui permette enfin à un cinéma d’auteur d’exister indépendemment des
règles fixées par la globalisation.
Par ailleurs, le
chamboulement survenu pousse les cinéastes à se poser des questions sur
la notion même d’indépendance. Jusqu’à présent, un cinéaste indépendant
était celui qui choisissait de réaliser ses oeuvres en marge des
institutions. L’objectif était, entre autres, celui de se démarquer des
films de propagande officielle. Mais à l’heure actuelle, il est
impossible de continuer à ramener toute la production cinématographique
chinoise à une simple dichotomie « dépendance et indépendance » du
régime. Poussés par des aspirations commerciales légitimes et par
l’espoir de trouver, justement, une place dans la difficile conquête du
marché national, de plus en plus de cinéastes, nous l’avons vu,
préfèrent se rabibocher avec le Bureau de la censure afin de produire et
diffuser légalement leurs films. Au vue de cette situation, y-a-t-il
alors encore un sens que de se définir un cinéaste indépendant
aujourd’hui en Chine ? Et si oui, indépendant de qui, de quoi ?
«Au début, les
films indépendants ou underground revendiquaient un engagement et un
langage personnel. Le cinéaste décidait de parler d’un sujet dont la
cinématographie officielle n’aurait jamais parlé. Dans cette optique, il
y a eu de bons films mais aussi des films dont la seule particularité
était la liberté du sujet et non pas la virtuosité dans la façon de le
raconter. Aujourd’hui, si malgré le climat moins rigide au sein des
institutions, un cinéaste décide de rester indépendant, c’est parce que
il veut se concentrer uniquement sur l’aspect artistique de son film et
dire des choses indépendamment de la tendance du marché… », dit Ling
Fei, héritier du célèbre réalisateur Ling Zifen. Il est auteur,
entre autres, de Métamorphoses, un documentaire courageux sur le
parcours humain de trois personnes, deux femmes et un homme, qui dans la
Chine actuelle ont décidé de changer de sexe. Un document exceptionnel
réalisé, justement, sans tenir compte du goût du jour...
Lu Yitong, autre
jeune réalisateur, auteur de Lost in Wu Song, le film qui l’a
fait connaître et qui a gagné le Prix Fripesci au Festival de Hong Kong
en 2005, pousse davantage la réflexion dans ce domaine : « Il
serait temps que les cinéastes chinois deviennent indépendants des
festivals internationaux car les Jurys finissent par influencer les
cinéastes avec leurs choix. On dirait presque que si ce n’est pas un
film « réaliste », ce n’est pas un vrai film chinois… Vous pensez
vraiment que le public ait envie d’aller au cinéma pour retrouver sur
l’écran ce qu’il vit tous les jours ? Les gens au cinéma veulent rire,
s’amuser, sans compter qu’il est tout à fait possible de faire rire et
réflechir en même temps…. ».
Lu Yitong n’a pas
tort : il est vrai que les festivals étrangers, si d’une part ont permis
aux films chinois d’exister, d’autre part, en se laissant séduire à
répétition par des films d’un réalisme ostentatoire, ils ont engendré,
probablement sans le vouloir, des côdes éstétiques stéréotypés dont
certains cinéastes chinois n’ont plus su se démarquer. Il est temps donc
de jouer la carte de la diversité, de doter le cinéma chinois de genres
différents capables de faire évoluer la créativité ; une différenciation
des genres peut entraîner une évolution des tendances du marché et cela
ne peut qu’être bénéfique pour une industrie cinématographique en plein
essor.
« Il
n’y a que la richesse des genres et des styles qui pourra revitaliser le
cinéma chinois. Il faut explorer d’autres chemins, trouver sa propre
voie. Quelques cinéastes le font déjà : Feng Xiaogang est en train de se
spécialiser dans la comédie de mœurs, Zhang Yimou dans le filon des arts
martiaux, mais ce dernier, néanmoins, ne peut pas se retenir de glisser
dans ses films des considérations d’ordre idéologique, démagogique même…
Notre cinéma est encore conditionné par trop de contraintes qui
l’empêchent de s’exprimer librement, voilà la vérité… »,
dit Wang Chao, réalisateur du remarqué L’orphelin d’Anyang. A
quel type de contraintes Wang Chao fait-il allusion? Certainement pas
aux seules que génère un système hybride qui voit films commerciaux et
cinéma d’auteur coexister maladroitement et sur lequel le poids de la
censure continue de peser. Le jeune réalisateur s’en prend aux cinéastes
qui, par habitude, par manque d’expérience ou, pire encore, par calcul,
ne peuvent s’empêcher de faire passer dans leurs films des messages
politiquement corrects, dans l’espoir qu’un jour cette stratégie portera
ses fruits. Bref, les cinéastes continuent d’une certaine manière de
pratiquer une sorte d’auto-censure et cela ne sert évidemment pas la
cause du cinéma. Il faut apprendre à être des esprits libres : voilà le
vrai message de Wang Chao. Car « Un esprit vraiment libre, vraiment
indépendant, existe en dépit de la censure et même quand la situation
politique ou le contexte économique ne sont pas favorables. Dans
notre milieu, j’entends dire de plus en plus que la censure n’existe
plus… c’est faux ! Car la censure n’est pas seulement un bureau, elle
est représentée par les problèmes et les difficultés que nous
rencontrons habituellement : le marché qui impose ses lois, le succès
obtenu par les autres, le type de films qui marchent à l’étranger… Ce
sont, toutes, des formes de censure ! Voilà pourquoi, à mon avis, la
censure existera toujours…. ». Celle qui parle, Ning Ying, est l’une
des rares réalisatrices chinoises connues à l’étranger (elle a
réalisé, entre autres, le fameux film Un taxi à Pékin). C’est
une femme au caracère exceptionnel, qui tient farouchement à son
indépendance dans le vrai sens du terme, et qui a choisi, bien avant
l’assouplissement des règles de la censure, de combattre le système de
l’intérieur. Aujourd’hui, elle sait qu’elle devra faire face, comme ses
collègues cinéastes, à d’autres difficultés, peut-être plus dures
encore, car moins connues, « importées » de l’étranger comme une mode
quelconque… Elle ne le dit pas clairement, mais elle sait que bien
d’autres défis guettent aujourd’hui le cinéma chinois.
Les nouvelles générations de cinéastes arriveront-elles à survivre entre
la censure nationale, les goûts changeants du public et les règles
imposées par la globalisation ? Il est encore trop tôt pour le dire.
Certes aujourd’hui en Chine, plusieurs chemins s’ouvrent devant les
jeunes cinéastes, mais ce n’est pas tout. A leur talent, ils devront
ajouter le courage de continuer à se battre pour mériter une place au
soleil sur la scène mondiale de la globalisation. Les nuances des
compromis qu’ils arriveront à réaliser entre la qualité artistique et
les nécessités commerciales, définiront leur façon personnelle de se
présenter au monde. Et, bien sûr, au cinéma.